Moon
So-Ri, interview...
Question : Pourquoi avez-vous voulu incarner ce rôle ? Par défi personnel,
pour servir une histoire d'amour, pour aider à l'émancipation des personnes
handicapées en Corée et ailleurs ?
Moon So-Ri : J'avais peur de ne pas être à la hauteur quand on m'a proposé
d'être auditionnée pour incarner Han Gong- Ju. J'étais alors une actrice
qui avait peu tourné et je n'étais pas persuadée de pouvoir jouer correctement
ce personnage. Mais, en même temps, j'ai pensé que je n'aurais pas la
chance d'interpréter un tel rôle dans un futur proche et que ce serait
un défi à surmonter dans ma vie, pas seulement en tant qu'actrice mais
aussi en tant qu'une femme.
Q : Vous incarnez un personnage infirme moteur cérébral avec une grande
vérité de jeu et d'expression. Comment avez-vous travaillé ce rôle de
composition ? En vous documentant, en visitant un centre de rééducation
fonctionnelle, en rencontrant des infirmes moteurs cérébraux ? Que vous
ont- ils apporté ?
M.S.R : Le personnage que j'ai joué n'est pas celui d'une fille retardée
mentale, mais d'une femme tétraplégique âgée de 28 ans. L'infirmité
motrice cérébrale n'est pas une sorte de retard mental. Dans la plupart
des cas, les personnes atteintes ont des facultés intellectuelles standard,
elles ont seulement de grandes difficultés à bouger comme elles veulent,
à contrôler leurs mouvements et leur parole. Pour incarner ce personnage,
j'ai été conseillée et aidée par deux femmes trentenaires, toutes deux
tétraplégiques. Nous sommes devenues amies et avons passé beaucoup de
temps ensemble en faisant des choses comme aller au cinéma, dîner au
restaurant, etc. Les rencontres avec ces jeunes femmes ont nettement
influencé ma conception du rôle et mes attitudes à l'égard de la vie,
également. Cependant, pour l'approche extérieure, c'est-à-dire exprimer
physiquement la paralysie, j'ai éprouvé de grandes difficultés. Mes
amies n'ont guère pu m'aider à les surmonter. J'ai tout d'abord fait
des exercices physiques pour rendre mon corps le plus souple possible
de manière à exprimer au maximum l'impression que les muscles poussent
et tirent les membres et le corps en même temps, en travaillant la tension
et le mouvement scrupuleux des muscles. Je me suis efforcée de les utiliser,
très minutieusement, du globe oculaire à l'orteil.
Q : Oasis est sorti en Corée il y a plus d'un an. Pensez- vous que le
film a influé sur la perception sociale des personnes lourdement handicapées
et secoué le tabou qui semble encore marquer les sociétés asiatiques
vis- à- vis du handicap ?
M.S.R : Je ne pense pas que ce film a beaucoup changé l'image que la
société coréenne a vis- à- vis des personnes handicapées. Oasis n'est
pas un film qui aborde les problèmes sociaux, mais un film qui parle
avant tout de l'amour au sein des exclus de la société.
Q : En France, le fait que des personnes handicapées puissent avoir
une vie amoureuse et sexuelle commence à être timidement reconnu. Oasis
est- il le reflet de ce qui se passe en Corée ?
M.S.R : La situation montrée dans le film est dramatisée, mais en même
temps elle reflète bien la réalité en Corée. L'amour entre les protagonistes
a un aspect fantasmé, dans un sens, mais leur vie quotidienne et les
attitudes des autres à leur encontre, sont réellement décrites.
Propos recueillis par Laurent Lejard.
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